Je reste assise, immobile à mon bout de la table.
Autour de moi, on crie, on se dispute, on se passe le lait... Autour de moi, ma famille petit-déjeune.
Ils ne m'ignorent pas vraiment, mais personne n'est habitué à ce que je parle à table. Ou à ce que je parle, tout court. On ne me pose pas de questions, on me fait un signe de la main pour me demander les céréales, on me remercie d'un hochement de tête.
J'ai quarante-deux ans et je ne suis même plus une femme ou ne serait-ce qu'une personne depuis longtemps. Je suis la mère silencieuse et fade, qui n'a jamais d'avis sur rien. L'ombre q
La porte du bar derrière moi s'ouvre puis se referme, laissant filtrer des éclats de voix sur fond de musique à la mode.
J'attends là depuis vingt-cinq minutes. Le grand videur black ne me lance même plus un regard. Après m'avoir demandé si je souhaitais rentrer, il m'a aimablement suggéré de me décaler de devant l'entrée, pour des raisons de sécurité. Depuis, je lui suis devenu invisible. Je suis juste un mec qui attend sous la flotte.
Je tâte mes poches, ayant envie d'une clope, mais je ne trouve ni mon briquet ni mon paquet de Marlboro. Cette pluie es
J'ai beau fouiller le placard de fonds en combles, le même tragique constat s'impose: je suis à court de raviolis en conserve.
Merde.
Dépité, je me rabats sur une boîte de cassoulet que je vide distraitement dans une casserole. Quel jour sommes-nous? Vendredi. Bon, il faudra faire avec les moyens du bord jusqu'à mardi.
Astrid rentre d'Argentine lundi. Donc Astrid passe mardi. Il faudrait que je l'appelle pour savoir à quelle heure elle viendra. Elle débarque souvent sans prévenir et cela m'insupporte.
Le cassoulet glougloute dans sa casserole quand soudain un pigeon se pose
Assis sur le balcon brûlant, Adil observait sa ville, essayant de se faire discret. Si sa mère ou une de ses tantes le trouvait ici, en plein soleil et ne faisant rien d'utile, il serait puni. Son père lui dirait ensuite que les rêveurs ne faisaient jamais rien de bon pour la communauté. Les rêveurs n'avaient pas aidé à construire cette ville, à bâtir ces maisons, à faire de Deovi la cité merveilleuse qu'elle était aujourd'hui. Les rêveurs ne parlaient que du passé.
Adil ne voulait pas être un rêveur. Il voulai
Le Mecanox portait bien son nom. Plus grande boîte de nuit de la planète, l'endroit était un repaire à technophiles. Tout, depuis le décor sombre et industriel jusqu'aux robots-serveuses en passant par les « artistes » employés pour divertir la clientèle était conçu pour attirer les nouveaux rois du technomonde. De l'alcool infâme distillé dans la cave, du strip-tease et le ronron mécanique des rouages décoratifs... Pas vraiment ma conception d'une bonne soirée.
Je ne fis pas la queue à l'entrée du club, je me contentais de mon
Tu adores ça, n'est-ce pas? Voir que je n'ai pas évolué, que je n'ai pas bougé d'un centimètre depuis que tu m'as laissé. Voir le pouvoir que tu as sur moi. Voir que je t'attendrai sûrement toute ma vie.
Tu virevoltes dans la pièce, cigarette dans une main, verre d'alcool dans l'autre, souriant à tout le monde.
Tu m'as laissé derrière, je fais partie de ton passé et je suis sûr que tu prends un plaisir malsain à me regarder me noyer.
Tu as un nouveau petit-ami. Du genre grand, blond et génial. Du genre qui rend tes copines jalouses et qui te fait sourire. Du genre m
Il y a cinq ans, j'ai rencontré l'amour de ma vie.
J'errais dans Paris, engourdie par le froid, me maudissant de ne pas avoir pris un manteau avant de claquer la porte. De la claquer à la figure de mon ex-petit ami.
Romain était un gros crétin que j'avais rencontré en première année de fac. J'avais commencé à sortir avec lui par ennui, je n'avais personne en vue et il était là. Et, comme un parasite, ce bon à rien s'était installé dans ma vie. Au point que j'avais fini par m'habituer à lui, un peu comme tu t'habitues à un chat qui pisse dans tes chaussures et se
Je suis cette fille.
Celle que tu vas croiser une fois dans la rue et qui te hantera pour le reste de ta vie.
Je sais que je suis cette fille, je le vois dans le regard des gens que je frôle. Ils écarquillent les yeux en m'apercevant, s'imaginent ma vie, fantasment sur l'image que je renvoie.
Je suis cette fille, qui marche sous le déluge sans parapluie.
Mes longs cheveux blonds ruisselant d'eau et me collant au visage, la pluie dégoulinant sur ma veste rouge, les gouttes finissant par s'écraser sur le trottoir gris.
Et pendant une seconde tu envies ces gouttes, car elles me rendent magnifique.
Mes talons claque
"Ce même paysage défile de l'autre côté de la vitre.
Le soleil se couche encore sur la banlieue parisienne, dans les tours les fenêtres s'illuminent. Des immeubles, des usines, des esplanades, le tout d'un beau gris uniforme et les silhouettes sombres assises sur un banc, groupées sous un lampadaires, adossées à un grillage.
La même mise en scène tous les jours, des acteurs répétant le même rôle en boucle. Comme les vitrines des Galeries Lafayette à Noël.
Sauf que là, personne ne s'amasse pour regarder les figurines danser.
Combien de temps avant la r